L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Saint Ambroise et d’autres Pères veulent que la Sainte Vierge soit née aux champs et parmi le bêlement des brebis. Réjouissez-vous intérieurement aujourd’hui dans cette pensée ; car c’est signe que cette Fille de grâce sera la Bergère du troupeau de grâce et la Mère du Pasteur, de l’Agneau de Dieu. Apprenez à aimer la simplicité, la rusticité vertueuse, les lieux pauvres, petits, champêtres, éloignés des grands et de ce que les enfants du siècle appellent ordinairement le grand monde et le beau monde. Demeurez volontiers à l’écart et en retraite auprès de cette jeune princesse, qui n’eut jamais rien de puéril et qui a toujours été à tout âge la toute uniquement parfaite.

Quand les rois ou les reines arrivent dans leur royaume, tous les sujets crient : Vive le Roi ! Ou Vive la Reine ! La Sainte Vierge, en sa naissance, vient pour être Reine du ciel et de la terre ; destinez donc ce jour à faire autour de cette jeune Princesse le cri intérieur de respect et d’amour : Vive la Vierge conçue sans péché ; vive la Vierge naissante pour fouler au pied le serpent infernal ! Vive la Reine dans le Cœur du Roi de l’éternité, qui règnera uniquement et éternellement en son âme !

C’est aujourd’hui le jour de la grande et tendre dévotion des amateurs de Marie, puisque c’est le jour auquel, selon la coutume des Hébreux, le nom fut imposé à la belle pouponne de Joachim et d’Anne. Ô mon cœur ! mettez-vous aux écoutes pour ouïr le nom glorieux qu’on impose à cette céleste Princesse. Conformément à la dignité et à l’office que le ciel lui a destiné, Marie sera son nom. Ah ! que je m’en réjouis, Sainte Vierge ! Permettez que je célèbre une octave à l’honneur de ce saint nom et que mon cœur répète incessamment ce mot : Je vous salue, Marie, Mère de Dieu.

Nous devons apprendre de Marie et de Joseph à prononcer comme il faut le nom sacré de Jésus, et, de Joachim et d’Anne, à bien prononcer le saint nom de Marie, puisque c’est à eux que le ciel l’a révélé. Ce sont eux qui, de la part de Dieu, le lui ont imposé ; ce sont eux qui, le plus souvent et le plus saintement, ont prononcé ce doux nom de Marie. Faites aujourd’hui quelque dévotion à saint Joachim et à sainte Anne, afin qu’ils vous apprennent à bien prononcer ce très-saint nom de Marie. Faites-leur des congratulations et dites : Ô saint Joachim, ô sainte Anne, heureux et mille fois plus heureux d’avoir imposé à votre sainte fille le doux nom de Marie que ne fut Adam même dans l’innocence, d’avoir l’intelligence et le droit de nommer toutes les choses créées et visibles ! Mon âme aime mieux avoir l’intelligence des noms sacrés de Jésus, Marie, Joseph que la science de tout ce qui a l’être visible et toute la philosophie des savants.

Prenez ce jour-ci pour faire l’anagramme du doux nom de Marie, et voyez avec complaisance que dans notre langue française, qui dit Marie, dit aimer. Aimer, c’est Marie ; Marie, c’est aimer. Ô Marie ! ô Amante ! ô Aimable ! Je me réjouis de ce que l’amour se trouve dans votre saint Nom ; ainsi on ne peut parler de Marie sans parler d’aimer ; je crois que c’est pourquoi Marie est nommée la Mère de belle dilection et de sainte espérance. Toutes les fois que je prononcerai ce nom très-auguste, je prétends que ce soit une solennelle protestation que j’aime et que je veux aimer Marie.

Entrez aujourd’hui dans la considération des diverses interprétations qu’on donne au nom sacré de Marie, et votre âme trouvera son goût principal dans la pensée de notre Père saint François de Sales, qui dit que MARIE VEUT DIRE MÈRE UNISSANTE, d’autant que c’est par cette Mère et dans son sein que le Verbe s’est uni hypostatiquement à la nature humaine pour notre salut. Par Marie, le Verbe s’est fait chair et nous pouvons dire : Ô Jésus, soyez-moi Jésus, c’est-à-dire, soyez-moi Sauveur, et d’ajouter aussi : Ô Marie, soyez-moi Marie, c’est-à-dire soyez-nous MÈRE et nous unissez à Jésus, votre Fils, afin qu’il soit notre Époux et que nous soyons ses épouses. Ô Mère unissante, chassez pour jamais le divorce d’entre vos enfants. C’est vous qui nous avez jointes et unies ensemble, dit notre Père saint François de Sales, et qui blesse cette union gâte l’ouvrage de Marie en nos âmes.

Tous les saints Pères sont d’accord que la très-sainte Vierge porte dans son nom précieux celui d’Étoile de la mer. La très-sainte Église la salue en cette qualité : Ave, Maris stella, et c’est ainsi que, parmi les obscurités, les périls, les tempêtes dont notre vie est agitée, nous la devons invoquer. C’était la pratique de saint Bernard, et après lui de saint François de Sales, de n’entreprendre aucune chose sans regarder et invoquer cette belle Étoile qui doit guider, éclairer et régler toute notre navigation ; autrement, nous péririons et n’arriverions point au port désiré du salut.

Les noms d’Étoile, d’Aurore, de Soleil, de Lune, de Nuée légère, de Nuée du jour et autres que les saintes Écritures donnent à la Sainte Vierge, nous sont une confirmation que dans son nom de Marie nous trouvons encore celui de Dame illuminante. La Sainte Vierge a donné à la terre la vraie Lumière, le Flambeau du monde, le Soleil de justice, comment ne serait-elle donc pas Dame illuminante ?... Albert-le-Grand assure que la divine lumière n’éclairait pas seulement l’esprit de la très-sainte Vierge, mais qu’elle investissait son corps. C’est ce qui fut cause que saint Denis en tira l’argument que cette auguste Mère paraissait d’une condition surhumaine et quasi divine, tant la grâce de sa Maternité lui donnait d’éclat. Ah ! mon âme, pourquoi demeurons-nous dans l’ombre de la mort ou dans l’horreur des ténèbres de tant d’imperfections ? Approchons-nous souvent de Jésus, Marie, Joseph et nous serons illuminés.

Considérez aujourd’hui que tous les états de la vie de la Sainte Vierge se trouvent dans les diverses significations de son auguste nom de Marie, qui veut dire, selon l’explication de quelques Pères : Mer amère. Ô Marie ! à qui vous comparerai-je dans vos travaux, sinon, avec le lamentable prophète, à une mer agitée et battue d’autant d’orages que votre adorable Fils a souffert de peines ? Mais surtout, Vierge Sainte, au temps de la Passion, vous avez été une mer d’amertume dans des abîmes d’angoisses et de douleurs inexplicables.

Finissez aujourd’hui le mois de la sainte naissance de Marie par la très-douce pensée de saint Ambroise et de saint Antonin, qui disent que le nom sacré de Marie signifie en hébreu : Dieu est ma race. Ô Vierge Sainte ! avec quelle joie mon cœur se joint à cette interprétation de votre nom sacré de Marie ! Ah ! qu’il est vrai que vous êtes, comme dit l’Écriture, de la race de Dieu ; mais qu’il est vrai, ô Marie, Mère de Jésus, que vous toute seule pouvez dire : Dieu est de ma race, je suis vraiment MÈRE de JÉSUS ; il n’a « tiré que de moi seule sa vie humaine ». La génération éternelle du Verbe est du Cœur du Père, et la temporelle est du Cœur de Marie, qui uniquement a pu dire : Voici Jésus, mon Fils bien-aimé et l’unique objet de ma complaisance ; écoutez-le et faites ce qu’il vous dira.