L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Adorant Jésus au saint Sépulcre et aux Limbes, honorons Marie en retraite et en oraison, et révérons son Cœur, son esprit et son application intérieure, qui se partageaient dans l’unité de la très-sainte Trinité et qui n’abandonnaient point l’âme ni le corps de son adorable Fils, quoique l’un fût au tombeau et dans le suaire, sans action, et l’autre dans les Limbes, triomphant en faveur de ses élus ! Ô Vierge Sainte ! notre douce Mère ! nous pouvons dire aujourd’hui que là où est votre Cœur, votre trésor y est. Votre Fils Jésus, votre unique trésor est dans une séparation, sans division, au sépulcre et aux enfers ; et, puisque notre cœur est toujours là où est notre trésor, nous pouvons sans crainte honorer votre Cœur, ô Sainte Vierge, avec Jésus dans l’obscurité du sépulcre et dans celle même des enfers, et apprendre de vous aujourd’hui à suivre notre doux Jésus partout où il lui plaira de nous mener.

Honorons aujourd’hui la sacrée Vierge dans son oratoire, tandis que la Magdelaine va chercher des onguents et des parfums précieux pour embaumer le corps de son Maître. La Sainte Vierge savait bien que son divin Fils ressusciterait promptement, comme il l’avait annoncé lui-même ; c’est pourquoi, si elle avait préparé du baume et des onguents, elle aurait pris cette peine inutilement, ce qu’elle n’était pas capable de faire. Sa modestie même fut si grande qu’elle ne détourna point les âmes dévotes d’aller au sépulcre, parce qu’elle n’avait point reçu d’ordre de son Fils d’annoncer sa Résurrection. Elle se tenait dans le silence et laissait agir l’innocence et l’amour de ces bonnes dames ; ce qui nous enseigne de ne nous hâter point trop de parler sur les affaires et entreprises du prochain, et à nous taire quand nous n’avons pas ordre de parler.

Nous devons en ce jour appliquer nos cœurs à Marie dans tous ses états de douleurs et de souffrances. Tous les dévots ont destinés le vendredi à la mémoire et à la commémoration particulière de la mort et Passion du Sauveur, et le samedi à la Passion et au deuil de Marie. La sainte Église ne se dispense point, en aucun temps de l’année, de faire observer l’abstinence chrétienne en ces deux jours, pour nous apprendre qu’en tous les temps de notre vie nous devons honorer et adorer la Passion de notre Rédempteur le vendredi, et la Passion et le deuil de Marie le samedi. Promettons-lui grande fidélité à cette dévote attention que notre Père saint François de Sales nous recommande tant : « Consacrez, dit-il, vos dévotions du samedi à la Mère de Dieu ; méditez quelques points de sa vie et de ses vertus. »

Entrez, pour votre méditation d’aujourd’hui, dans cette pieuse pensée que la Sainte Vierge, en quittant le Calvaire, avait emporté la Croix de son cher Fils gravée au plus profond de son Cœur, et que ce divin objet était encore dans sa retraite celui de ses sublimes contemplations et affections. Permettez-moi, ô Vierge Sainte, d’y unir les miennes, toutes faibles et imparfaites qu’elles sont. Je baiserai, plusieurs fois le jour, le sacré Nom de Jésus, me réjouissant de ce que je suis obligée, par ma vocation, de porter cet aimable nom sur ma poitrine, gravé sur une lame d’argent en forme de croix, comme un signe sacré et un témoignage public que j’appartiens à Jésus et à sa sainte Mère.

En finissant aujourd’hui cette série de méditations douloureuses, il nous faut revenir à la pensée prise dans l’intention générale du mois, à savoir : que la mort produit la vie. Réjouissons-nous donc de ce que l’échelle qui est dressée sur la montagne du Calvaire, pour monter à la Croix, nous fait en même temps monter à la palme, c’est-à-dire à Jésus-Christ, qui est notre éternelle victoire, et tellement notre unique gloire, que l’Église le nomme Jésus, couronne de tous les Saints. Prenons donc courage, mon pauvre cœur, aimons la sainte mortification du Calvaire. Si nous avons quelques joies, recevons-les avec actions de grâces et soyons tout disposés de passer, quand Dieu le voudra, à la peine et à la croix. Mais, toujours et partout, répétons cette parole de notre profession : Je choisis Jésus, mon Seigneur et mon Dieu, pour l’unique objet de ma dilection, soit que je le trouve au Thabor ou au Calvaire, dans la joie ou dans la douleur.

Entrez aujourd’hui dans l’esprit de l’Église en partageant la joie de ses fidèles enfants dans la célébration de la triomphante Résurrection du Sauveur.

Considérez que ce Jésus-Christ triomphant est celui-là-même qui fut conçu du Saint-Esprit et naquit de la Vierge Marie. Ressuscitant du tombeau, clos et fermé, il fit comme une seconde naissance, correspondante à la première, où il sortit du sein de sa Mère toujours Vierge par une divine pénétration, comme il avait été conçu par une divine opération.

Très-sainte Vierge, Mère de Dieu ! chaque âme peut s’occuper selon le mouvement de la grâce, en ce temps de joie, ou dans le triomphe de la Divinité, ou dans la gloire de la sacrée Humanité ; mais, pour moi, étant votre petite servante, je me range auprès de votre sacrée personne, sachant bien que, comme vous avez eu la plus grande part aux souffrances de votre adorable Fils, vous serez la première honorée de la présence de ce divin Triomphateur. Dans cette joie, mon âme vous saluera fréquemment avec la sainte Église, et vous dira : « Réjouissez-vous, Reine du ciel, Celui duquel vous avez mérité d’être Mère est ressuscité comme il l’avait dit. »

Destinons ce mois à honorer la sacrée Vierge jouissant de la gloire de son divin Fils ressuscité, et soutenant la foi chancelante des Apôtres au milieu des apparitions et des leçons que leur donne le Sauveur pour l’établissement de son Église.

Honorez aujourd’hui la joie divine que ressentit la sacrée Vierge à la première connaissance qu’elle eut de la glorieuse Résurrection de son Fils. Sa foi n’avait sans doute pas été ébranlée par les angoisses et les ignominie du Calvaire, ni par la disparition momentanée de Jésus-Christ dans les ombres du tombeau. Elle savait et attendait fermement la Résurrection de ce cher Fils ; mais il n’est pas moins probable, quoique les Évangélistes ne nous en disent rien, que la bonne nouvelle fut annoncée à la sacrée Vierge, qui avait coopéré à la Rédemption du monde par ses douleurs et par sa compassion aux souffrances et à la Passion de l’Agneau divin, que cette nouvelle lui fut annoncée, dis-je, soit par les Anges, soit par une première apparition de son divin Fils lui-même, sorti resplendissant du tombeau et victorieux de la mort et de l’enfer.

Oh ! très-douce et divine Mère, si mon cœur, plus dur qu’un rocher, n’a pas su donner assez de larmes aux douleurs incomparables du vôtre, lorsque vous immoliez votre souverain et unique Amour pour l’amour de moi, consentant que mes péchés fussent lavés dans la fontaine de son Sang divin, faites qu’au moins aujourd’hui je partage votre joie, que j’unisse mes actions de grâces et mes hymnes de louanges aux vôtres !...

C’est l’opinion de plusieurs doctes et dévots serviteurs de Jésus-Christ, qu’après sa Résurrection Il communiait tous les jours sa très-sainte Mère ; mais elle recevait ces grâces précieuses dans un si grand secret et silence, qu’elle n’en dit mot, non pas même quand les disciples d’Emmaüs vinrent raconter qu’ils l’avaient reconnu à la fraction du pain, c’est-à-dire, suivant la pensée de plusieurs, à la sainte Communion qu’il leur avait donnée lui-même, comme au jour de la très-sainte Cène. Ô Marie ! ne pouviez-vous pas affermir le dire des deux disciples venant d’Emmaüs, assurant que vous aviez reçu avant eux cette grâce précieuse ? Ah ! que vous m’apprenez bien à me taire en mille et mille rencontres où je pourrais véritablement parler et me produire sans crime et sans mensonge, et où même il semblerait que je glorifierais Dieu !

Honorez aujourd’hui l’abnégation que pratiquait la sacrée Vierge, demeurant constamment dans sa solitude, lorsqu’elle savait que son glorieux et adorable Fils allait faire pêcher ses disciples et manger avec eux le rayon de miel sur le bord de la mer ; elle ne s’y trouvait point, bien que ce fussent des actions si douces, si innocentes, si légitimes. Ô Sainte Vierge ! que les Saints ont bien dit de vous que Dieu vous a donné au monde pour modèle général et universel de toutes les vertus, pour en donner la vraie forme et idée à tous les chrétiens ! Vous m’apprenez bien aujourd’hui la mortification des sens et du cœur, oui, mêmes dans les plus légitimes et les plus innocentes occasions, où il semblerait qu’en bonne justice j’aurais le premier droit.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge comme la très-sainte et paisible demeure de Dieu, dans une si profonde paix qu’elle n’eut point besoin de se trouver là lorsque ce glorieux Sauveur ressuscité dit à ses disciples : « PAIX VOUS SOIT. » Cette paix imperturbable et inaltérable avait ce privilège de n’être jamais troublée, non plus que les autres vertus de cette sainte Vierge, qui pouvaient toujours croître sans jamais diminuer. Hé ! sacrée et paisible Marie, Trône stable du paisible Salomon, Cité de paix, soyez mon refuge contre les troubles de la terre, et faites-moi donnez une petite portion de la sainte paix que votre Fils donna, soufflant sur ses disciples. Ah ! combien dois-je révérer aujourd’hui de grâces et de privilèges en vous, ô Sainte Vierge, considérant que neuf mois durant le Verbe éternel a soupiré et respiré en vous et pour vous. Oh ! la grande pensée à l’honneur de Marie !