L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Voyons aujourd’hui l’abandon de la Sainte Vierge, qui marche par ce chemin d’Égypte avec une sainte diligence. L’Ange dit à saint Joseph : « Prends l’Enfant et sa Mère et va-t’en. » On ne saurait dire qui est plus obéissant, ou Jésus qui se laisse prendre, ou Marie qui suit, ou Joseph qui obéit. Comme dit saint François de Sales, l’Ange traite saint Joseph en parfait religieux ; il ne fait que lui signifier ce que Dieu demande, et saint Joseph ne dit pas un mot de réplique sur le manquement d’équipement et de moyen, sur le jeunesse de la Mère, sur la délicatesse de l’Enfant. Cette leçon d’obéissance épouvante les sens, mais elle est sanctifiante à l’âme ; les obscurités, les pauvretés, les difficultés ne doivent point retenir une Religieuse quand il s’agit d’obéir à Dieu.

Les dévots de la sainte Enfance de Jésus ont remarqué qu’il y avait quatorze jours de chemin depuis Nazareth jusqu’en Égypte, où Jésus, Marie, Joseph s’arrêtèrent. Nous voici au second jour du voyage dans lequel nous devons honorer leur sacré pèlerinage et leur demander une particulière assistance pour passer saintement celui que nous faisons dans l’Égypte de ce monde. Tous les saints Pères nous ont enseigné que nous sommes pèlerins sur la terre, et l’expérience ne nous permet pas d’en douter. Mais, pourvu que, comme Joseph, nous ayons Jésus et Marie avec nous, fallût-il fuir devant un tyran, fallût-il aller au milieu de mille ennemis, nous dirons avec David : « Non, mon Seigneur, je ne crains point, car vous êtes avec moi. » Ô Jésus, Marie, Joseph, faites la grâce à ces pauvres pèlerins et exilés de trouver enfin en vous leur repos éternel !

Ce troisième jour du voyage d’Égypte, admirons et honorons les fuites de Jésus, Marie, Joseph, et comme le Prince du ciel fuit pour éviter la fureur d’un homme de boue, tel qu’était Hérode. Ah ! Jésus, Marie, Joseph, très-sainte Famille, n’avez-vous de sûreté que dans la fuite ? Quelle humiliation est celle-ci ? Quoi ! un Dieu tout-puissant fuit devant un ver de terre ! Goûtez, mon âme, goûtez cette conduite du ciel, et apprenez de Jésus à ne vous glorifier que dans l’abjection de vous-même.

Dans ce quatrième jour du voyage d’Égypte, admirons la soumission d’esprit de la sacrée Vierge à obéir à la voix de saint Joseph ; elle fit un si long et si dangereux voyage sur la parole qu’il lui donna qu’un Ange l’avait averti, de la part de Dieu, de la prendre avec son Fils et de les mener en Égypte. Elle ne dit point, ainsi que le remarque saint François de Sales : « Ô mon cher Époux, laissez-moi parmi mes proches, qui m’assisteront. Eh ! que sais-je si ce n’est pas plutôt une illusion que vous avez eue qu’une révélation ? » et mille autres raisons qu’une âme imparfaite aurait alléguées ; mais, avec une admirable soumission d’esprit, elle suit la volonté de celui que le ciel lui avait donné pour son supérieur et pour son époux. Elle ne demanda pas seulement le chemin, dans quelle ville elle passerait, mais, tenant son très-cher Fils entre ses bras, et l’allaitant de temps en temps, elle suit son époux. Oh ! le grand bonheur de se laisser conduire à ses supérieures et de posséder Jésus ! Avec cela on ne craint rien, et l’on va d’aussi bon cœur parmi les ennemis que parmi les amis.

Ce cinquième jour du voyage d’Égypte, honorons le Cœur de la sacrée Vierge transpercé de ce glaive dont saint Siméon lui avait parlé au Temple. Quelle douleur à ce Cœur maternel de voir déjà poursuivre à mort le cher Enfant qui ne faisait presque que sortir de son chaste sein ! Que devait penser cette divine Mère sur le discours du saint vieillard, que ce Fils serait pour la ruine et la résurrection de plusieurs en Israël, et comme un signal de contradiction ! Elle voyait déjà mettre à mort tant de saints Innocents ! « Eh ! mon cher Enfant, pouvait-elle dire, que la prophétie du bon vieillard Siméon se voit de bonne heure accomplie ! Je ne m’étonne pas si cet ancien serviteur vous a demandé la mort pour unique récompense de tous ses longs services, ne pouvant soutenir la vue de tant de maux qu’il vous faudra souffrir ! »