L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Employons ce jour à suivre pas à pas la sacrée Vierge en son voyage de Jérusalem à Nazareth. Lorsqu’elle sortit de cette petite ville pour obéir à César, son adorable Fils était en son sein ; mais, à son retour, elle le portait entre ses bras. Admirons sa joie et sa modestie à la vue de ce divin Enfant, efforçons-nous de l’imiter lorsque nous le recevons, non-seulement dans nos bras, mais encore dans notre cœur. Considérons aussi que les grâces et les consolations de Marie s’augmentèrent beaucoup pendant ce saint voyage, et qu’elle eut mille rencontres différentes de la part du ciel, de la terre et des Anges, des bons et des mauvais, dont elle fit un saint usage. Ce qui nous peut apprendre que le moyen d’augmenter les grâces de Dieu en nous, c’est de prendre patiemment les choses qui nous arrivent, soit de la part de Dieu, soit de la part des hommes.

Employons ce jour à nous tenir soigneusement auprès de la sacrée Vierge lorsqu’elle revint de Bethléem en Nazareth, comme de bonnes servantes doivent faire quand leur maîtresse revient de voyage. Il semble qu’elles prennent un nouveau courage pour lui rendre service ; il est à croire que les parentes et les voisines de cette Vierge sacrée vinrent la féliciter de l’heureuse naissance du Fils qu’elle avait mis au monde, et qu’elles eurent le plaisir de le voir. Redoublons aussi notre ferveur à l’égard de cette Mère de Dieu ; réjouissons-nous des grâces dont il l’a honorée.

Employons ce jour à considérer comment la sacrée Vierge, après avoir reçu les visites de ses parents et de ses voisines, rentre dans la retraite et dans le silence. Entrons-y intérieurement avec elle, voyons comment elle règle toute sa petite maison, où elle doit nourrir le Roi du ciel et de la terre. Considérons l’humilité, la modestie et la soumission que cette Vierge sacrée pratiquait lorsqu’elle méditait ce que le vénérable saint Siméon lui avait prédit au Temple, que son divin Jésus serait un signe ou blanc contre lequel on tirerait tous les traits, et que le glaive de douleur transpercerait son âme. Elle voyait en ce divin Enfant une douceur ineffable, et elle en attendait des douleurs inexplicables. Adorons comme elle la conduite de Dieu, et soumettons-nous-y avec humilité.

Honorons aujourd’hui la sainte tranquillité et la modération singulière de la sacrée Vierge et du grand saint Joseph, lorsqu’ils entendaient parler de la persécution d’Hérode et de la tyrannie qu’il exerçait contre les Innocents, dans le dessein qu’il avait de massacrer Jésus-Christ. Considérons qu’ils ne se laissèrent point aller au trouble, non plus qu’à l’inquiétude, entendant des nouvelles si affligeantes et si étonnantes ; et que, sans aucun empressement, ils attendirent dans une parfaite tranquillité l’ordre du ciel pour la conduite de l’Enfant-Jésus.

C’est l’opinion de plusieurs dévots de la sainte enfance du Verbe incarné que ce fut la nuit du septième au huitième jour de février que le glorieux saint Joseph, étant dans un doux sommeil, l’Ange du Seigneur lui apparut et lui donna les ordres du Père éternel pour sauver l’Enfant-Jésus et sa Mère, sans lui dire autre chose, sinon : « Levez-vous, prenez l’Enfant et sa Mère, et menez-les où je vous montrerai. » Car les adorations des rois, les merveilles arrivées à la Purification, les prophéties du saint vieillard, le chant de son cantique : Nunc dimittis, etc., les choses merveilleuses qui se disaient du saint Enfant troublèrent si fort Hérode, qu’il le faisait chercher pour le faire mourir. Faut-il s’étonner si nous, qui sommes si défectueuses, nous souffrons quelquefois des persécutions des mondains, puisque Jésus a été lui-même si fort persécuté sans sujet ?

Honorons aujourd’hui la sacrée Vierge sur son départ de Nazareth pour s’enfuir en Égypte ; voyons, avec les yeux de l’esprit, la consternation des parents, amis et voisins de cette sainte Famille sur la tyrannie d’Hérode qui remplit d’effroi toute la Judée. Ô mystère de la Providence ! mon âme vous adore. Ces divines personnes, Jésus, Marie, Joseph suivent les ordres du ciel et de la terre pour nous apprendre à obéir aveuglément à tous nos supérieurs. Notre Père saint François de Sales manie excellemment bien cette matière dans ses Entretiens, où il prise infiniment l’obéissance de Jésus, Marie, Joseph.

Honorons aujourd’hui Jésus, Marie, Joseph, en leur état de fugitifs et d’exilés, par lequel ils ont sanctifié l’exil de tant de grands Papes, Prélats et Saints de la loi de grâce et de l’Évangile. « Ah ! dit saint François de Sales, la Vierge ne dit point à saint Joseph : Pourquoi m’en irai-je ? L’Ange qui a eu, il n’y a pas si longtemps, de si longues conversations avec moi ne m’en a dit mot. Rien de tous ces discours humains. La sacrée Vierge, unie aux volontés de son Époux, partait à l’heure même qu’il le lui signifiait, et s’arrêtait avec la même douceur et soumission dans tout le cours de ce voyage. » Pour bien obéir il ne faut pas tant de raisonnement, mais acquiescer humblement aux ordres qu’on nous prescrit.