L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Destinez ce mois, auquel commence l’année ecclésiastique, à honorer le premier et incomparable privilège de la Vierge, choisie et préparée dès l’éternité pour être, dans le temps, la très digne Mère de Dieu.

Aujourd’hui votre pratique sera d’adorer et de remercier la très-sainte Trinité, regardant, choisissant et prédestinant la très-sainte Vierge pour être le chef-d’œuvre de la grâce et la très digne Mère de l’Homme-Dieu. Dans cette vue, il faut répéter plusieurs fois avec toute l’Église les paroles de l’Écriture qu’elle applique à cette Vierge bienheureuse : Ab initio et ante secula creata sum, etc. Dieu m’a possédée au commencement de toutes choses et m’a destinée à la plus grande hauteur après sa divine Majesté. C’est, dit saint Bernard, que Dieu a prédestiné Marie à être Mère de l’Homme-Dieu.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge sous le titre de l’Arche de Noé, qui a été l’une de ses figures, et voyez que la divine Miséricorde, voulant sauver quelque partie de son ouvrage que la corruption du péché avait perdu, prépara, pour résister aux ondes de ce déluge de coulpes, cette arche sainte Marie. C’est une vérité, dit saint François de Sales, que qui ne se sauvera pas par Marie périra, comme tout ce qui était hors de l’arche de Noé fut à perdition, non que Marie soit cause absolue de la Rédemption, car c’est Jésus son adorable Fils, mais elle est le moyen duquel ce Rédempteur s’est voulu servir, et, de toute éternité, il a prévu, regardé et destiné de former cette admirable créature, la prédestinant pour être la Mère de son Fils. Il l’a plus aimée elle seule que tous les hommes et tous les anges ensemble, et l’a créée avec plus de prérogatives.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge sous le titre excellent de Tabernacle de Dieu, et voyez la divine préparation de ce sanctuaire. David assure qu’il est préparé et posé dans le soleil, c’est-à-dire que Marie ne doit jamais être obscurcie, mais être une lumière inextinguible, une lumière perpétuelle, un soleil sans tache et sans ombre de péché ni d’imperfection, un ouvrage de la grâce au-dessus de la nature, pour recevoir le Roi de gloire, qui ne veut point l’iniquité et qui hait tous ceux qui font mal ; et David ajoute qu’il a édifié sa maison en l’abondance de ses divines miséricordes, et que les murailles de cette maison s’appellent la Bienveillance de Dieu.

Adorez aujourd’hui le dessein miséricordieux de la très-sainte Trinité qui a voulu sauver le monde par la descente de la personne du Verbe sur la terre, et honorez la Sainte Vierge comme l’échelle par laquelle, ainsi que parle saint Bernard, le Dieu du ciel est descendu ici-bas. Cet artisan des divines miséricordes prépara cette sainte échelle ; en sorte que, descendant par icelle à l’homme pécheur, le même homme pécheur pût monter à Dieu pour être justifié et sanctifié. Dites avec ferveur : Ah ! Dieu, qu’est-ce que l’homme pour que vous ayez fait un tel dessein en sa faveur ! Mais que sera-ce de ce fils de l’homme que vous rendez Fils de Dieu, fils de Marie, que vous couronnez d’honneur et de louange, et qui, dès la mamelle, sera la perfection de votre gloire par l’adoration des Anges, des pasteurs et des rois ?

Jésus-Christ étant appelé dans les saintes Écritures le souhait de toutes les nations, le désiré des collines éternelles, nous pouvons, par relation de la Mère au Fils et du Fils à la Mère, donner les mêmes titres à la Sainte Vierge et la regarder aujourd’hui comme la désirée de toutes les nations, la prédite par les Prophètes, la soupirée par les Patriarches et la fille des oraisons de saint Joachim et de sainte Anne, que la divine Providence lui préparait pour père et pour mère. Ils étaient les plus saintes personnes de l’ancienne loi, et comme le sommet, l’accomplissement et le terme de la loi divine et écrite, et le commencement de la loi de la grâce. Ce sont eux qui véritablement ont crié au Seigneur : « Ayez merci de nous, regardez notre humiliation ; vous nous élèverez hors des portes de la mort, afin d’annoncer vos louanges à la porte de la fille de Sion, que votre miséricorde veut rendre notre fille et la Mère de votre adorable Fils. »

Employez ce jour, qui est la veille de l’Immaculée-Conception de la Mère de Dieu, à congratuler cette Sainte Vierge de son éternelle prédestination, et, pour cela, servez-vous des propres paroles de saint François de Sales : Je vous salue, très-sainte Vierge Marie, Vaisseau d’incomparable élection, Reine de la souveraine dilection ; vous êtes la plus aimable, la plus aimée et la plus aimante de toutes les créatures. L’amour du Père céleste prit son bon plaisir en vous de toute éternité, parce que, de toute éternité, il vous prédestina dans la prédestination de son Fils humanisé ; et, comme il a aimé la seule humanité de Jésus-Christ par-dessus toutes choses créées, il a aimé par conséquent la Mère de cette humanité sainte, et l’a plus aimée, cette seule Porte de Sion, que tous les tabernacles de Jacob, ainsi que chante le Prophète-Roi. Saluez avec révérence ce Vaisseau sacré qui vient de loin vous apporter le Pain de vie.

Ce jour de l’Immaculée-Conception de la Mère de Dieu apporte tant de dévotion dans les âmes qui aiment Marie, qu’il y aurait de l’inutilité à présenter à ses filles des pensées particulières. Je m’assure qu’en disant et redisant mille et mille fois aujourd’hui cette sainte aspiration : Vive Marie conçue sans péché ! mon âme recevra une sainte force, une céleste onction et une vive lumière qui lui donnera part à cette première grâce de Marie, grâce d’excellence, grâce de sanctification pour Marie et pour tous ses enfants. Notre Bienheureuse Mère et Fondatrice avait grande dévotion au petit office de l’Immaculée-Conception, et l’on peut voir en sa vie sa dévotion à cette fête.

Honorez aujourd’hui le dessein et la fin pour lesquels Dieu a créé la Sainte Vierge, et lui a donné cet admirable privilège d’être conçue sans péché. Saluez-la par les propres paroles de son vrai serviteur saint François de Sales : Je vous salue, ô Marie, et vous congratule de ce que Dieu, vous choisissant par-dessus toutes ses créatures pour vous rendre la Mère de son Fils, il forma et destina votre chaste Cœur pour la perfection du divin Amour, afin que vous aimassiez son Fils unique de l’unique amour maternel, comme il l’aima éternellement de l’unique amour paternel. Vous êtes prédestinée pour être la cause de notre prédestination, comme vous-même êtes prédestinée à cause de votre Fils, et pour cela l’Église vous nomme la Mère des vivants.

Saluez aujourd’hui la Sainte Vierge conçue sans péché. Regardez cette unique fille d’Adam le pécheur, et considérez que, devant être Mère du second Adam Rédempteur, cette Rédemption lui a été appliquée, comme le dit admirablement bien notre Père saint François de Sales, par manière de remède préservatif, afin que le péché qui s’écoulait de génération en génération ne parvînt point jusqu’à elle. Ô Marie ! la première jouissant des fruits de la Rédemption, l’unique des créatures préservée du péché originel, je vous salue comme l’unique Épouse toute pure, toute belle, et en laquelle il n’y a point eu de macule. Ô sainte et pure Colombe ! cachez-moi sous l’ombre de vos ailes, je veux dire de votre protection ; rendez en moi vos miséricordes remarquables et bénies à tous les siècles. Obtenez de votre Fils que sa grâce me préserve et m’empêche de tomber dans le péché, qu’elle me prévienne avant le trébuchement, et que si, par mon propre malheur, je tombe, elle me relève de ma chute.