L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Adorez aujourd’hui avec saint François de Sales la main toute-puissante de Dieu qui, voyant le péché originel inonder la terre, fit arrêter tout court ses eaux au moment de la Conception de Marie dans les entrailles de sainte Anne, comme cette main toute-puissante arrêta autrefois le cours du fleuve Jourdain en révérence du passage de l’Arche d’alliance ; le péché originel, par la même révérence, retira ses eaux malheureuses comme redoutant la présence du vrai Tabernacle de l’éternelle alliance, la Sainte Vierge Marie.

Honorez aujourd’hui la Vierge Marie conçue sans péché, non comme la première affranchie par notre Libérateur, mais comme l’Unique préservée de toute captivité. Dieu lui ayant donné, dit notre Père saint François, le bonheur des deux états de la nature humaine, puisqu’elle eut l’innocence que le premier Adam avait perdue, et jouit excellemment de la Rédemption que le second Adam lui acquit. Ô Marie, conçue sans péché ! Marie, toute libre et qui ne fûtes jamais dans aucune servitude de péché, ayez pitié de ma captivité ! C’est sans doute pour vous que David votre père a dit à l’éternel Seigneur : « Cette Reine Marie se réjouira en votre vertu et aura liesse en votre salutaire ; vous l’avez prévenue en bénédictions de douceur, et avez mis sur son chef une couronne de pierres précieuses de grande beauté. »

Honorez aujourd’hui Marie conçue sans péché comme la première conquête de Jésus-Christ, non-seulement rachetée de la damnation, mais aussi de tout péril de damnation, Dieu lui ayant assuré, à ce moment de sa Conception, la grâce et la perfection de la grâce, en sorte que, dès son premier moment, elle a pu dire : « Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur ; c’est lui qui me régit, rien ne me manquera. Sans sa grâce prévenante, j’aurais cheminé, comme toutes les autres filles d’Adam, au milieu de l’ombre de la mort ; mais, par sa grâce, je ne crains plus. Il a oint mon chef et mon commencement de l’huile de liesse et de préservation ; sa miséricorde et son amour me suivront tous les jours de ma vie, et j’habiterai avec lui toute l’éternité. »

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge en son Immaculée-Conception, comme cette terre bénie du Seigneur dont l’Écriture nous parle, laquelle a été exempte de toute malédiction. « Marie, dit notre Père saint François de Sales, a été, dès le moment de sa Conception, comme un jardin d’élite qui devait porter le Fruit de Vie : aussi fut-elle toujours florissante en toutes sortes de perfections. » Tout ce que l’Écriture nous dit des biens et des excellences qui se trouvent en l’âme sainte et juste s’est éminemment trouvé en Marie dès son Immaculée-Conception. Le Seigneur a toujours été sa lumière et son salut ; elle n’a jamais redouté ses ennemis, elle a toujours habité avec Dieu et goûté les voluptés de son temple.

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge conçue sans péché, ainsi que nous la représente saint Jean dans son Apocalypse, comme une belle Épouse descendue du ciel, parée des mains de la grâce prévenante et déjà ornée pour son Époux. Ah ! dit saint François de Sales, le Fils de l'Amour éternel ayant ainsi paré Marie, son Épouse et sa Mère, de robe d'or recamée en belle variété, la fit, par ce choix, la Reine de sa dextre, c'est-à-dire la première de toutes les âmes élues qui jouirait des délices de la dextre divine.

Honorez aujourd’hui Marie conçue sans péché comme le chef-d’œuvre du Rédempteur et la première de toutes les rédemptions par laquelle, dit saint François de Sales, le Verbe divin, d’un Cœur vraiment filial, prévenant sa Mère ès bénédictions de douceur, il la préserva, non-seulement du péché comme les Anges, mais aussi de tous périls de péché et de tous les divertissements et retardements de l’exercice du saint Amour ; aussi proteste-t-il qu’entre toutes les créatures raisonnables qu’il a choisies, Marie, sa Mère, est son unique Colombe, sa toute parfaite, sa toute chère Bien-Aimée, hors de tout parangon et de toute comparaison. C’est elle seule qui peut dire : « Mon Dieu, dans l’abondance de vos grâces, je ne serai pas seulement ébranlée pour tomber dans l’imperfection, et, dans toute ma vie, mes pieds ne feront jamais un détour ni un faux pas dans vos saintes lois et dans le droit sentier de votre divin Amour. »

Notre bienheureuse Mère de Chantal a établi la coutume à Annecy qu’on ressouvînt les Sœurs à l’obéissance de commencer la neuvaine préparatoire pour la sainte Nativité par neuf Ave Maria chaque jour, en l’honneur des neuf mois que le Verbe incarné demeura dans le sein virginal de Marie.

Pour fermer dévotement l’octave ou la neuvaine de la fête de l’Immaculée-Conception de la Mère de Dieu, honorez le premier acte d’amour que fit cette âme sanctifiée, sa première consécration et oblation d’elle-même à la Divinité, le premier usage que Marie fit de la grâce divine, acte si parfait qu’elle a surpassé tous les Anges et tous les hommes amateurs de la Divinité, et qu’elle a été, dès cet heureux instant, la Reine des reines, couronnée de l’Amour éternel. Cette Sainte Vierge a bien pu dire au regard de ce grand et unique privilège : « Je vous louerai éternellement, ô Seigneur mon Dieu ! Vous m’avez formée, vous m’avez sauvée, vous me nourrissez. Je me réjouirai et aurai liesse de vos miséricordes ; vous ne m’avez jamais laissée tomber dans l’enclos de l’ennemi ; mais vous avez mis mes pieds aux lieux spacieux ; tous mes jours sont entre vos mains, entre lesquelles j’ai remis mon Cœur et mon esprit dès le sein de ma mère. »

Unissez votre cœur et vos intentions à tous les enfants de Marie pour célébrer bien dévotement l’attente de la naissance du Messie. La Sainte Vierge elle-même, cette sainte Fille de Sion, était en attente du moment auquel il plairait au Soleil de Justice, qu’elle cachait dans son sein, de se montrer au monde. Dites dévotement avec l’Église : Ô sainte Mère du ciel, pleuvez-nous le Juste, ce divin Sauveur regarde de son Tabernacle ; préparez, comme dit David, tous les habitants de la terre. C’est le sein de Marie qui est ce tabernacle d’or et de cristal ; nous nous réjouissons en l’espérance de sa venue ; car il rachètera nos âmes, et ceux qui espèreront en lui ne périront point. Le grand saint Joseph eut aussi une très-grande part en cette fête de l’Expectation de sa divine Épouse, puisqu’il savait que c’était par l’opération du Saint-Esprit qu’elle devait donner le Fils de Dieu au monde.

Employez ces jours-ci à méditer les Évangiles, par la lecture desquels la sainte Église prétend disposer nos âmes à la venue du Fils de Dieu. Destinez aujourd’hui votre cœur à congratuler la Vierge Marie de l’ambassade merveilleuse que la très-sainte Trinité lui a députée au temps de l’Incarnation du Verbe. Faites de saintes réflexions en votre cœur, et des entretiens spirituels dans la conversation, sur cette mission de saint Gabriel. Réjouissez-vous d’ouïr nommer Marie et Joseph au ciel dans l’instruction que la très-sainte Trinité donne à ce céleste nonce, en lui faisant entendre qu’il faut qu’il aille en la contrée de Galilée, dans une ville nommé Nazareth ; que la personne avec laquelle il a à traiter est une vierge épouse d’un homme nommé Joseph, qui est de la maison royale de David, et que le nom de cette Vierge est Marie. Oh ! que d’admirables circonstances et que d’instructions de la divine Sagesse dans cette mission ! Ô Marie ! Ô Joseph ! Ô saint Ange Gabriel ! que mon âme vous promet aujourd’hui de vénération et d’amour ! Je ferai en moi-même le recueil et le raccourci de tout ce grand Mystère, pour échauffer mon amour, réveiller ma foi et mon espérance.

Demandez aujourd’hui la permission à la Sainte Vierge d’entrer dans sa petite chambre de Nazareth, de la saluer avec les même paroles dont l’Ange se servit, et de méditer l’une après l’autre toutes celles de l’Ave Maria. Congratulez surtout cette Vierge de ce qu’elle est pleine de grâce, possédant l’Auteur de la grâce. Priez cette Mère de bonté qu’avant que ce divin Sauveur sorte de son sein, elle lui fasse signer votre grâce et la rémission de vos péchés.