L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

L’âme doit aujourd’hui s’unir sans crainte à l’opinion universelle des chrétiens et à la tradition, qui assure que la Sainte Vierge, étant proche de sa mort, aussi heureuse que sa vie, assembla miraculeusement en sa petite chambrette tous les Apôtres et disciples particuliers du Sauveur, que la prédication évangélique avait dispersés en divers endroits de la terre, leur donna de nouvelles instructions, un nouveau courage pour combattre les ennemis de son Fils et une nouvelle infusion de l’Esprit de cet Homme-Dieu pour le communiquer à toute l’Église, les bénit, et, cela fait, expira d’un assaut d’amour ; mais assaut si doux, si tranquille, si paisible que ce ne fut autre chose en cette sainte âme qu’une fuite amoureuse de cette Amante à l’odeur des parfums du Bien-Aimé. Elle s’écoula dans le sein de la bonté de son Fils, sans peine, sans efforts, sans agonie, et la mort lui donna les souveraines délices de l’amour.

Il y a plusieurs âmes dévotes qui s’occupent aujourd’hui à considérer le testament de la Sainte Vierge, à recueillir la succession de cette bonne Mère et autre actes de piété intérieure. Pour moi, Sainte Vierge, j’ai choisi la garde du tombeau où, selon la tradition, vous fûtes déposée par vos enfants. Ô saint corps de Marie ! Arche incorruptible ! vous n’avez jamais su et vous ne saurez jamais ce que c’est que la corruption ; déjà j’entends toute la sainte troupe des bienheureux esprits qui demande à Jésus-Christ de relever de la clôture du tombeau l’Arche de la sanctification.

Les ennemis de Jésus-Christ mirent des gardes et des sceaux au tombeau de Jésus ; il faut que l’amour et la révérence en mettent au sépulcre de Marie.

Le triomphe de Marie est aujourd’hui si grand entre les chrétiens, qu’il ne faut que suivre l’intention de la très-sainte Église, et ce serait faire tort à la piété universelle de donner des pratiques et des assignations particulières. Disons seulement avec saint François de Sales : « Ah ! qu’elle est belle cette aube du jour éternel, laquelle, après sa résurrection, par la puissance et appui de son Fils bien-aimé, va montant au ciel en ce jour de son Assomption, et va, ce semble, de plus en plus croissant ès bénédiction de son incomparable gloire. Qu’à jamais les odeurs d’éternelles suavités éparses sur les cœurs de ses dévots remplissent les cœurs des filles de la petite Congrégation de Sainte-Marie, toute vouée à la louange du Fils et de la Mère. Ah ! que je fais ce souhait de bon cœur au jour de la glorification de notre très-honorée Mère et Maîtresse ! »

À l’exemple de ce saint Fondateur, laissez courir votre cœur et toutes vos affections après cette Sainte Vierge, qui, appuyée sur son Bien-Aimé, monte au ciel. Ne demeurons en la terre que pour adorer, aimer, louer et servir Jésus, Marie et Joseph, glorieux dans le ciel.

Ayant honoré hier en général les grandeurs et les gloires de Marie dans sa sainte Résurrection et Assomption, commencez aujourd’hui l’octave glorieuse de cette belle fête, en prenant la liberté de la suivre du cœur et de la pensée, et de voir la réception que lui fait la très-sainte Trinité dans le royaume d’éternité et de paix. Ah ! que c’est bien aujourd’hui le jour de dire et redire cent et cent fois, voyant Marie reçue dans l’empyrée : « Je vous salue, Fille du Père ; je vous salue, Mère du Fils ; je vous salue, Épouse du Saint-Esprit ; je vous salue, temple de la très-sainte Trinité ! »

Assistez aujourd’hui en esprit au couronnement de la Sainte Vierge au royaume de la glorieuse éternité. Son cher fils adoptif saint Jean la vit en ce triomphe vêtue du soleil, couronnée des étoiles, la lune et l’univers sous ses pieds.

Faites-moi la grâce, Sainte Vierge, que je vive en sorte dans le monde que je sois un jour votre joie et votre couronne dans l’éternité. En attendant ce temps bienheureux, je vous honorerai de tout mon pouvoir et dirai souvent la petite Couronne de Marie, à l’imitation de notre vénérable Mère et Fondatrice Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, qui ne passait jamais jour sans faire cette dévotion, et nous disait que nous devons tous les jours honorer la plénitude de la grâce et la plénitude de la gloire de Marie.

Ayant suivi en esprit la marche glorieuse et le couronnement de la Reine du ciel, je regarderai aujourd’hui quelle place d’honneur lui sera décernée, et je répèterai plusieurs fois, avec la sainte Église, l’antienne : Virgo assumpta est ad ethereum thalamun in quo, etc. La voyant à la droite de son Fils, je lui dirai par admiration, avec un de ses anciens dévots : Je vous salue, Marie, la digne du Digne, sainte Mère du Saint, seule d’un Seul, unique de l’Unique.

Joignez-vous aujourd’hui intérieurement à toute l’Église triomphante et militante pour ouïr la déclaration que fait la très-sainte Trinité ; que Marie, sa Fille, sa Mère, sa Sœur, son Épouse, est constituée Reine du ciel et de la terre, et dites avec toute l’Église : Regina cœli laetare, alleluia. Réjouissez-vous, Reine, Dame et Maîtresse de l’univers, et que mon âme se réjouisse en vous d’avoir au ciel une Impératrice si souveraine, une Princesse si puissante et si bienfaisante.

Appliquez ce jour, avec toute la cour céleste et avec toute l’Église, à faire hommage et à prêter le serment de fidélité à la Reine Marie. Voyez tous les chœurs des Anges et des justes qui louent et remercient la Sainte Trinité de l’élévation de cette Souveraine, et dites avec la très-sainte Église l’antienne Assumpta est Maria in cœlum, etc. Ô Marie ! autant que Dieu sera Dieu, que l’éternité sera éternité, vous serez Souveraine de cette cité de Dieu, de laquelle tant de choses nous sont dites par la foi, promises par l’espérance et qui ne seront jamais données qu’à la charité. Sainte Vierge, je vous reconnais aujourd’hui pour ma Souveraine après Dieu ; je fais serment à vos pieds de fidélité, de servitude et d’amour pour le temps et l’éternité !

Consacrez ce septième jour de l’octave de la glorieuse Assomption à considérer que la Sainte Vierge ne fut pas seulement déclarée dans la gloire Reine souveraine et Dame du monde, mais encore Mère des vivants, comme parle l’Écriture : Mater viventium. Suppliez-la qu’elle vous accueille aujourd’hui en qualité de Mère : Monstra te esse Matrem, et qu’elle vous fasse vivre de la vie de la grâce.

Appliquez-vous aussi aujourd’hui à louer cette Sainte Vierge de ce qu’elle s’est déclarée si particulièrement la Mère de François de Sales, qui naquit, le 21 août 1567, au château de Sales, sous la protection de cette sainte Reine. « Ô ma fille, dit-il à notre sainte Mère de Chantal, je n’ai pas eu une naissance si heureuse que d’être né le jour de l’Assomption de notre sainte Maîtresse ; mais je suis né entre ses octaves, et je puis dire entre les bras de sa maternelle bonté, qui me reçut entre ses mamelles sacrées, pleines du lait des bénédictions préparées pour les âmes qui l’honorent. Ah ! ma fille, j’ai un sentiment fort particulier du bien qu’on a d’être enfant, quoique indigne, de cette glorieuse Mère, qui donna une belle robe blanche à son cher saint Ildefonse, Évêque de Tolède ; demandons-lui aussi une robe d’innocence pour notre pauvre cœur, elle nous le donnera. »