L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Honorez, en ce jour de l’Octave de l’Assomption, la Sainte Vierge dans l’accomplissement ou consommation de toute grandeur et bonheur, et lui dites un nouvel Ave, Maria : Je vous salue, Marie ; aussi pleine de grâce en terre qu’au ciel, vous êtes maintenant pour l’éternité avec le Seigneur, qui était avec vous dans le temps. Vous serez à jamais bénie par-dessus toutes les femmes, des éternelles bénédictions de Jésus, le fruit sacré de vos entrailles virginales.

Considérez aujourd’hui que la Sainte Vierge, parmi toutes ses grandeurs et ses gloires, a bien voulu se glorifier de garder dans le ciel son titre d’Avocate des pécheurs ; et, si l’on nous assure que le Fils de Dieu montre ses Plaies à son Père intercédant en notre faveur, que le Saint-Esprit répand des gémissements inénarrables, ne devons-nous pas réclamer la Sainte Vierge, comme saint Bernard, et après lui toute l’Église, la nommant Advocata nostra ? Demeurons à ses pieds en silence, car, si elle parle pour notre cause, elle sera gagnée. Le Père éternel regarde les Plaies de son Fils en notre faveur ; il regarde aussi le sein de Marie qui l’a renfermé, les bras de Marie qui l’ont porté, les mamelles de Marie qui l’ont allaité.

Réjouissez-vous aujourd’hui, et remerciez cette sainte et glorieuse Vierge de ce que, dans son triomphe et son élévation au ciel, elle n’a point quitté le nom de notre Mère, et de ce que nous pouvons lui adresser nos prières en toute confiance, lui disant : Notre Mère, qui êtes au ciel, votre nom soit connu et sanctifié par toute la terre, avec celui de votre Fils, comme il est dans les cieux. Abraham priait Sarah, son épouse, de déclarer qu’elle était sa sœur, afin de l’exempter du mal, et qu’on lui fît du bien. Ah ! dit un saint docteur amant de Marie, Sainte Vierge ! déclarez au ciel et à la terre que vous êtes ma Mère, afin que bien me soit fait aujourd’hui et tous les jours de ma vie. Je veux dire fréquemment ces paroles : Monstra te esse Matrem ; ou ce seul mot, tiré du centre de mon cœur : Ô Marie ! Mère de miséricorde.

Considérez aujourd’hui la Sainte Vierge comme la Bienfaitrice universelle. Elle a tant déclaré qu’elle était la servante du Seigneur, et la voilà, comme la plus fidèle, devenue la souveraine Maîtresse, entrée dans la joie de son Seigneur et Fils, constituée sur tous ses biens, et, sans aucune comparaison, bien mieux en pouvoir d’aider et de secourir les siens que ne fut jamais Joseph, le vice-roi d’Égypte. Ô Marie ! Refuge de tous les pauvres, Bienfaitrice de tous les peuples, à qui aurai-je mon recours, si vous ne priez pour moi, si vous ne me départez le bien de votre protection auprès de votre Fils ? Hélas ! je demeurerai dans une pauvreté éternelle.

Donnez aujourd’hui votre application à considérer cette vérité chrétienne que Jésus-Christ ayant été le premier et le dernier de tous les hommes, la Sainte Vierge, qui s’est mise par humilité au dernier rang, est élevée, par la grâce, par l’amour et par la justice de son Époux, au premier rang, non-seulement, ainsi que dit saint François de Sales, comme l’unique honneur de son sexe, mais comme l’unique Mère de Dieu. Je vous salue, ô Vierge ! en terre la plus humble, et, au ciel, la plus élevée et la plus glorieuse de toutes les pures créatures !

Réjouissez-vous aujourd’hui avec la Sainte Vierge de ce que sa prophétie est accomplie, et que nous sommes dans le temps où toutes les nations la nomment Bienheureuse d’avoir été conçue sans péché, par la vertu et force de la divine prédestination ; Bienheureuse d’avoir coopéré et donné son consentement à l’Ange pour être Mère de Dieu ; Bienheureuse d’avoir conçu, d’avoir nourri, d’avoir servi l’Homme-Dieu ; Bienheureuse d’avoir possédé toutes les vertus, reçu toutes les grâces et d’être constituée dans toutes les gloires de son Fils. Ô Bienheureuse Mère de Dieu ! regardez en pitié tous nos malheurs !

Considérez aujourd’hui la douce pensée de notre Père saint François de Sales, dans la comparaison qu’il fait de l’arrivée de la reine de Saba en la Jérusalem terrestre avec l’arrivée de la Reine Marie à son Assomption au ciel, proche du vrai Salomon. Il dit qu’on n’avait jamais vu en Jérusalem tant de parfums et tant de richesses, ni au ciel tant de mérites et de perfection dans une pure créature, que lorsque Marie y fut élevée en corps et en âme. L’Écriture dit qu’à l’entrée de Bethsabée dans la salle royale, Salomon son fils se leva et l’adora, c’est-à-dire l’honora comme un fils très-respectueux honore sa très-bonne mère. Ah ! que dut faire Jésus, le véritable Salomon, à Marie, sa très-bonne Vierge et très-sainte Mère ?

Notre-Père saint François de Sales veut que la Sainte Vierge, élevée à la droite de son Fils, soit la générale des armées de Dieu, la gouvernante du royaume de l’Église, la Mère de toutes les saintes familles, le refuge de tous les cœurs ; qu’après son Fils nous lui disions : Ô Sainte Vierge ! les yeux de tous les croyants sont fixés sur votre Majesté ; nous attendons le secours de vos grâces, et, si vous ouvrez vos mains libérales, nous serons tous remplis de bénédictions. Ô sainte et généreuse gouvernante, que commandez-vous dans votre état de gloire, que ce que vous avez commandé en votre état de grâce ? Faites ce que mon Fils vous dira.

Réjouissez-vous aujourd’hui aux pieds de la Sainte Vierge, dans la pensée véritable de saint François de Sales, que la seule Vierge donne plus de louange, de gloire et de complaisance à la très-sainte Trinité que tous les Anges et tous les Bienheureux ensemble ; car, dit-il, la Vierge, d’un air incomparable, entonne dans la sainte Sion le cantique de magnificence et de louange. Écoutez, dit-il, cette voix sublime de la Reine des Anges, qui, élevée au-dessus de tout, rend elle seule plus de louange à la Divinité que tout le reste des créatures ; aussi, le Roi céleste la convie tout particulièrement à chanter : Ô ma Bien-Aimée ! dit-il, que ta voix sonne à mes oreilles, car elle est toute douce et ta face toute belle. (Traité de l’Amour de Dieu, l. V, ch. XI.)

Finissons ce mois de la gloire et des triomphes de la glorieuse Vierge par les propres paroles de saint François de Sales : « Mais, ô Vierge toute triomphante ! qui peut jeter les yeux sur votre Majesté sans voir à votre dextre le glorieux saint Joseph, que, pour l’amour de vous, le Fils éternel a si souvent honoré du nom de père, et qui, pour l’amour de vous, l’a élevé si haut dans son éternité. » Ainsi, finissons ce mois tout à la louange et dans la sainte complaisance intérieure des grandeurs, des gloires et des pouvoirs de Jésus, Marie, Joseph.