L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Honorez aujourd’hui la Sainte Vierge dans cette sublime perfection dont parle l’Apôtre, qui surmonte tous les sens et qui n’a aucun besoin de leur soutien et de leur expérience. Saint Thomas voulut voir et toucher les plaies de Jésus-Christ ressuscité. Cette sainte Dame savait que les cinq Plaies de son Jésus étaient cinq sources de vie dans l’Église naissante : cela suffisait à son Cœur, ou, pour mieux dire, elle n’avait pas besoin de voir les plaies de son cher Fils, puisqu’elle-même, ayant été crucifiée spirituellement avec Lui, elle était comme l’unique Épouse stigmatisée des plaies de son Bien-Aimé, et portait en elle-même les marques, les caractères et les amoureuses plaies de la Passion du Sauveur. Suppliez cette Vierge sacrée qu’elle blesse votre cœur du trait de la divine charité, et qu’elle imprime en votre âme et en vos sens intérieurs les adorables cicatrices du Sauveur.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge absente de l’assemblée des Apôtres, lorsque Jésus entra les portes fermées. Elle savait que cet Homme-Dieu avait la clarté, la subtilité, l’agilité et l’impassibilité ; qu’il était entré et sorti dans son sein et de son sein comme un rayon de soleil qui pénètre un cristal, sans y faire aucune lésion. Quand donc ce Fils immortel et glorieux entrait à portes closes dans la maison et dans le petit oratoire de cette Vierge, elle n’en était point surprise, ayant été elle-même la Porte orientale, la Porte fermée, le Jardin clos, la Fontaine scellée, et, lorsque les disciples lui racontèrent comment leur divin Maître était entré dans leur chambre d’assemblée, elle se réjouit de leur connaissance et de leur expérience, sans en avoir besoin pour affermir sa foi.

Honorez aujourd’hui l’absence de la Sainte Vierge, lorsque Jésus donna à ses Apôtres le don des miracles et le pouvoir sur les démons. Voyez qu’elle n’en avait pas besoin, son droit naturel de Mère de Dieu lui ayant acquis, par la grâce, un si grand privilège que les saints Pères veulent et soutiennent, avec une saine et solide doctrine, que Marie, Mère de Jésus, est Dame et Maîtresse de tous ses biens naturels et surnaturels. Le don des miracles lui est tellement acquis par son droit de maternité, que c’est par elle que Dieu les opère en son Église ; et son pouvoir est si absolu sur les démons, que c’est elle qui a brisé la tête du serpent. Plus vaillante que Judith, elle a mis en déroute l’armée infernale. Il n’a point été besoin, en Marie, d’une infusion particulière de la grâce de Jésus ressuscité, comme dans les Apôtres. Elle était dès le moment de sa divine Conception et Maternité dans cette possession de souveraine grâce confirmée et de pouvoir auprès de son Fils.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge dans la joie intérieure qu’elle eut, voyant son divin Fils glorieux donner si miséricordieusement la mission à ses disciples pour aller par toute la terre prêcher les peuples et leur porter la lumière du salut. Cette sacrée Vierge l’avait prophétisé, quand elle disait : « Un jour viendra que toutes les générations me diront Bienheureuse, à cause de ma sainte maternité, qui me rend coopératrice à cet ouvrage de la Rédemption du monde. » Dites-lui avec l’Église : Sancta Maria, Regina Apostolorum.

Réjouissez-vous aujourd’hui avec la très-sainte Vierge de la joie qu’elle eut en voyant son divin Fils mettre un ordre si admirable à son Royaume chrétien et instituer le saint Sacrement de Baptême, comme un des fruits les plus excellents et les plus nécessaires de sa Passion, puisque qui croira et sera baptisé sera sauvé. La sacrée Vierge agissait secrètement entre la nature divine et humaine, entre Jésus-Christ et l’Église, entre Dieu et l’âme. Ah ! Sainte Vierge, j’ai reçu la grâce du Baptême ; mais je me suis si souvent et déloyalement démentie de cette solennelle profession de ma foi, que j’ai besoin à tous moments que vous soyez ma Médiatrice avec mon Dieu et mon Juge. Ô Marie ! disait saint Bernard, vous avez trouvé la grâce, engendré la vie et enfanté le salut, remettez-nous bien auprès de Celui qui, par vous, nous a rachetés.

Réjouissez-vous aujourd’hui avec la sacrée Vierge de la joie que son Cœur maternel reçut, voyant que Jésus-Christ donnait les clefs et l’autorité première de son Royaume évangélique à saint Pierre. Cette Sainte Vierge ayant passé son enfance sous ses père et mère ou dans la sujétion au Temple, son adolescence et sa jeunesse dans la sujétion et dépendance de son époux saint Joseph, voulut consommer le reste de sa sainte vie sous la sujétion et sous l’autorité visible du chef de la très-sainte Église naissante, bien que véritablement elle en fût la Mère, la Maîtresse et la Reine.

Trouvez-vous aujourd’hui en esprit dans la petite cellule de la sacrée Vierge, comme sa pauvre servante, retirée en un coin, et voyez de vos yeux intérieurs les conférences de Jésus glorieux, de Joseph ressuscité et de Marie soumise aux ordres célestes, qui voulaient qu’elle demeurât encore en terre pour le bonheur de l’Église militante, comme ce doux Sauveur montait aux cieux pour le glorieux accomplissement de l’Église triomphante. L’Église dit que Jésus bénit ses disciples avant son départ pour le ciel. Ô mon âme ! quelle bénédiction réciproque du Fils, de la Mère et de l’Époux ! Jésus promit à ses disciples d’être toujours avec eux ; quel renouvellement d’unité de cœur et de présence intérieure et spirituelle se fit-il entre le Fils et la Mère !... Il faut adorer en silence ces secrets d’amour mutuels.

Considérez aujourd’hui que Jésus remercia sans doute sa très-sainte Mère, avant de monter au ciel, de tous les bons services, de toutes les assistances maternelles qu’elle lui avait rendues à son arrivée sur la terre, en sa naissance dans Bethléem, en son exil d’Égypte, en son séjour dans Nazareth, enfin tout le temps de sa vie et de sa mort. Le saint Évangile fait mention des repas, des promenades, des apparitions, des faveurs, des caresses, des missions, des pouvoirs, des corrections que Jésus donna à ses disciples avant son admirable Ascension ; mais il n’ose dire mot de ce qui se passa entre le Fils et la Mère, comme étant chose ineffable, la sacrée Vierge ayant reçu en plénitude et en totalité les grâces que les disciples et les autres dames ne recevaient qu’en parcelles, et quantité d’autres faveurs que l’œil ne peut voir, l’oreille ne peut ouïr et que nos cœurs ne sont pas capables ni dignes de penser.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge en sa sainte retraite, qui ne lui permettait point d’aller en Galilée ni au mont des Olives pour voir monter son Fils au ciel. Elle n’avait pas besoin de ce soutien des sens pour appuyer sa foi, elle avait tout cru de la puissance de Dieu avant l’Incarnation, et sainte Élisabeth l’avait déjà béatifiée au jour de la Visitation pour avoir cru toutes les choses, non qu’elle avait vues, mais qui lui avaient seulement été dites. Ô Femme, ô Vierge, ô Mère, ô Marie, Mère de Jésus ! que votre foi est grande ! Hélas ! subvenez à mon peu de foi par vote exemple et par vos saintes intercessions ; faites-moi récuser incessamment le témoignage de mes sens, pour adhérer aux saintes vérités que je n’ai pas vues, mais que j’ai ouïes et que j’apprends de la sainte Église.

La réprimande que les Anges firent aux disciples, lorsque le ciel eut dérobé à leurs yeux la sacrée humanité du Sauveur, est une preuve que Marie était absente : « Hommes de Galilée, leur dirent-ils, à quoi vous appliquez-vous de regarder en haut ? Notre Jésus ne veut plus être vu de vous que des yeux de la foi. » Comme s’ils eussent dit : « Retournez trouver Marie, sa sainte Mère ; demeurez auprès de cette cité de Dieu jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la lumière d’en haut. » C’est sans doute que les disciples du Sauveur allèrent trouver Marie, se rangeant autour d’elle, comme les orphelins vont à leur mère après le départ de ce monde de leur bon père : « Hé ! pouvaient-ils dire, notre Père et Maître Jésus est aux cieux, nous n’avons plus que vous en terre, divine Marie ! » Mais moi je dis aujourd’hui : « Ô Marie ! vous êtes mon refuge au ciel et en la terre, au temps et dans l’éternité ! »