L’ANNÉE MARIALE par la Mère de Chaugy

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge comme la DÉPOSITAIRE des premières larmes de Jésus, larmes plus précieuses que des perles. « Mon Dieu ! que ce mystère est doux ! s’écrit saint François de Sales ; le premier ravissement de saint Bernard fut d’une vision d’icelui, et, par ce moyen, il rendit son cœur et sa bouche pleins du lait de la Sainte Vierge et des larmes de ce doux petit Enfant. » Ce n’est pas encore la pluie, ce n’est que la première rosée des larmes que le Sauveur répand pour notre salut. Cette liqueur est admirable pour toutes sortes de maux de cœur. Demandons-en quelques gouttes à la très-sainte Vierge pour guérir notre âme de toutes ses faiblesses.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge comme CONFIDENTE des douleurs de son divin Enfant et VICTIME avec lui. « Nous ne lisons pas dans l’Écriture, dit saint François de Sales, que Notre-Dame et Saint-Joseph ouïssent la voix des Anges ou vissent des lumières miraculeuses comme les Bergers ; au contraire, ils entendirent l’Enfant qui pleurait et virent, à la lumière empruntée de quelque vile lampe, ses yeux divins tout couverts de larmes. La Sainte Vierge, dès l’étable, sait que le divin Enfant n’est pas venu pour se reposer, ni pour avoir ses commodités spirituelles et temporelles, mais pour combattre, pour se mortifier et pour mourir. »

Ô Marie, Reine des Martyrs, je dois bien adorer, avec plusieurs dévots, la Croix et le glaive perpétuels que vous avez toujours eus présents dans le fond de votre Cœur ! Que si nous étions véritablement dans le fond de l’âme bien unies à Jésus-Christ, blessé dans l’étable par la circoncision, en attendant les clous et la lance de la Croix, nous ne serions pas si sensibles et si immortifiées !

Élevez aujourd’hui votre pensée, et honorez la sacrée Vierge comme CONFIDENTE des desseins de l’adorable Trinité et de cet amour par lequel le Père éternel a tant aimé le monde, qu’il a envoyé son Fils unique pour se faire homme dans le sein d’une Vierge, afin de sauver l’homme perdu ; voulant qu’il se rendit compagnon de nos misères, pour nous rendre, par après, compagnons de sa gloire. Unissez-vous à Notre-Dame pour adorez cette Providence ineffable dans la disposition qu’elle fait des choses divines et humaines, avec tant de force et de suavité, et remerciez la très-sainte Trinité d’avoir regardé et choisi la sacrée Vierge Marie entre toutes les femmes, afin que, par son entremise, le Sauveur de nos âmes fût non-seulement homme, mais encore enfant du genre humain, sans cesser d’être également majestueux et adorable comme le Fils incréé de Dieu, qui a son origine et sa naissance éternelle dans le sein de son Père. Mais ces vérités saintes doivent être adorées plutôt que méditées et épluchées curieusement.

Honorez aujourd’hui la sacrée Vierge, retirée et cachée avec son divin Fils durant quarante jours dans l’étable où elle l’a enfanté, attendant l’heure prescrite par la loi de Dieu pour aller accomplir le Mystère de la Purification. C’est là qu’elle fera à votre égard l’office de DOCTEUR, vous convainquant pleinement de cette vérité : que le monde appelle souvent bien ce qui est mal, et encore plus souvent mal ce qui est bien.

Toute le soin de Jésus était de demeurer en l’état petit et solitaire, où la justice du Père éternel l’avait réduit pour racheter les hommes. C’est dans cette vie solitaire qu’on trouve Marie avec son Jésus.

Ô mon aimable Sauveur, faites-moi donc la miséricorde que votre présence suffise à mon âme ; faites-moi considérer mon Monastère comme votre sainte étable, où vous avez établi votre domicile, et duquel la sacrée Vierge est la Mère Abbesse et saint Joseph le Protecteur.

Considérez aujourd’hui la sacrée Vierge comme votre EXEMPLAIRE dans la parfaite égalité d’âme qu’elle conserve entre les inégalités et la diversité des événements. « Nous ne lisons point dans l’Évangile, dit notre Bienheureux Père, que Notre-Dame s’abandonne à la joie quand les bergers et les rois viennent adorer son Fils ; nous ne lisons pas aussi qu’elle se trouble quand elle apprend qu’Hérode le cherche pour le faire mourir. La possession de Jésus est la source de cette profonde paix de Marie. »

« Nous voulons toujours ceci ou cela, dit encore saint François de Sales, et, quoique nous ayons notre doux Jésus sur notre poitrine, nous ne sommes point contents. C’est néanmoins tout ce que nous pouvons désirer. – Eh ! que nous importe que nous ayons ici-bas des commodités ou incommodités, pourvu que dans l’éternité nous soyons bienheureux ! »

Quoique la Sainte Vierge loge dans une pauvre étable, la qualité de MÈRE de DIEU l’élève au-dessus de toutes les créatures, et même au-dessus des Anges de la première hiérarchie : « Car à qui de tous les Séraphins appartient-il de dire au Sauveur : Vous êtes mon vrai Fils ? Et à laquelle des créatures fut-il dit par le Sauveur : Vous êtes ma vraie Mère ?... » Cependant, ô condescendance admirable ! l’aimable Jésus veut bien que nous ayons quelque part à cette dignité, et que nos âmes l’enfantent, non pas hors d’elles-mêmes, mais en elles-mêmes. La très-sainte Vierge l’a produit sans douleur, mais il faut que nous souffrions pour l’enfanter ; l’Enfant mérite bien aussi qu’on souffre pour l’avoir et pour être sa mère.

Considérez que la sacrée Vierge, qui a été élevée à l’éminente qualité de Mère de Dieu, a aussi reçu l’humble titre de Mère de tous les hommes et de Refuge de tous les pécheurs.

Ah ! qu’il est vrai, devez-vous dire, sacrée Vierge, que vous êtes la Mère de tous les vivants ! Notre vie vient de vous et par vous, ô sainte Mère de Dieu ! Vous nous avez enfanté Celui qui est la Vérité et la Vie.